La force de l’attachement dans l’engagement : évolution et politisation des attachements aux lieux dans les conflits d’aménagement

Publié le 27 septembre 2022 Mis à jour le 27 septembre 2022

Cette contribution explore le rôle de l’attachement au lieu dans la mobilisation collective sur des cas d’espaces controversés par des projets d’aménagement, à partir de la notion de résistance éclairée. Il s'agit d'une analyse de trois mouvements de résistance à des infrastructures (autoroute, prison, décharge) sur le temps long.

Dans un contexte de multiplication et de diversification des formes de résistances à des projets d’aménagement partout dans le monde (Martinez-Alier et al., 2016), cette contribution s’inscrit dans la perspective de mieux comprendre ces résistances, et plus spécifiquement de décrypter le rôle des émotions et de l’attachement au lieu dans les mobilisations territoriales contre des projets d’aménagement. Nous nous appuyons sur la notion de résistance éclairée (Sébastien, 2013 ; 2017), laquelle explore les différentes transformations sociétales issues de ces résistances, notamment la politisation des mouvements (capital politique), les dynamiques sociales engagées (capital social), les savoirs acquis et échangés (capital savant), les attachements acquis et échangés (capital patrimonial). C’est ce dernier capital que nous souhaitons approfondir ici, afin d’appréhender dans quelles mesures les émotions et attachements au lieu jouent un rôle, et évoluent dans la mobilisation ; l’évolution des émotions ou attachements dans le temps étant un sujet très rarement éprouvé dans la littérature (Woods et al., 2012).

Une mobilisation se définit comme un regroupement de personnes touchées par un problème social lesquelles s’engagent dans un projet permettant de le résoudre ou de se lier à d’autres pour l’action collective (Havard-Duclos et Nicours, 2005). Une mobilisation contre un aménagement représente un regroupement d’acteurs en lien avec un espace concerné par un aménagement lequel suscite des visions antagonistes de l’organisation de cet espace. Autrement dit, les conflits d’aménagement, symptomatiques des mobilisations collectives en lien avec un territoire, représentent des oppositions entre acteurs à propos de pratiques de l’espace (Melé, 2003) se traduisant par différents types d’engagements explicites des acteurs (Torre et al., 2006). Nous explorons ici les interactions entre attachements et engagements. De manière générale, les émotions diverses touchant les personnes concernées par un projet territorial sont souvent évacuées de l’analyse des mobilisations collectives (Traini, 2009), ou lorsqu’elles sont traitées, ce sont de manières très différentes au travers d’un corpus hétérogène.
Pour ce qui est spécifiquement de l’attachement au lieu, défini comme une « connexion émotionnelle envers des lieux » (Altman et Low, 1992), s’il fait l’objet de plusieurs travaux dans la littérature anglo-saxonne (voir par exemple les travaux de Stedman, Lewicka, Altman et Low, Devine-Wright, Hidalgo, Scannel et Gifford, Manzo), ce concept reste encore peu exploré dans la littérature francophone traitant des mobilisations (voir par exemple les travaux de : Lolive, Déchezelles, Ripoll).


Afin d’interroger le rôle et l’évolution des émotions et attachements au lieu dans le cadre de conflits d’aménagement, nous analysons sur le temps long trois cas de projets d’aménagement controversés en France et en Belgique :
  • un projet autoroutier dans les Landes ;
  • un projet de prison en Belgique,
  • un projet de centre d’enfouissement en Essonne.

Il s’agit de voir si les attachements mis à jour apparaissent comme moteurs de pratiques tant sociales que spatiales sur les territoires étudiés et participent dans une certaine mesure à ce que nous appelons la résistance éclairée (Sébastien, 2013, 2017), c’est-à-dire une forme de montée en généralités des collectifs basée sur une dynamique sociale et de nouvelles pratiques territoriales.
Nos hypothèses sont les suivantes :
  • les attachements au lieu (capital patrimonial) jouent un rôle et évoluent dans la mobilisation ;
  • de par ses liens avec les autres capitaux (social et savant), le capital patrimonial peut participer à la politisation des mouvements.

Notre première partie pose les bases théoriques de notre démarche, en rappelant le cadre de réflexion de la résistance éclairée, ainsi que les fondements théoriques de l’attachement au lieu, étudié notamment dans le cadre de mobilisations collectives.
Notre seconde partie présente les trois cas de conflits d’aménagement étudiés ainsi que la méthodologie qualitative employée. La partie 3 expose nos résultats :
  • dimensions et évolutions des attachements au lieu dans la mobilisation ;
  • formes de politisation des attachements au lieu.

La dernière partie propose une discussion autour d’une grille d’interprétation de l’attachement au lieu dans la mobilisation en 3 temps :
  • clash émotionnel et ancrage individuel ;
  • traduction sociale et spatiale des attachements ;
  • interactions entre attachements locaux et globaux

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