« Regards croisés sur les transitions », L’Ordinaire des Amériques

Avec la participation d'Alexandra Angeliaume Descamps

Publié le 14 octobre 2024 Mis à jour le 15 octobre 2024

Le concept de "transition" englobe désormais plusieurs domaines comme l'énergie, l'agroécologie, la nutrition et l'urbanisme, avec des variations régionales, notamment en Amérique latine, où des alternatives durables émergent face à l'extractivisme et la modernisation.

  • En quelques décennies, la notion de « transition(s) » est devenue omniprésente tant dans les discours politiques que les discours scientifiques. Initiée autour de la transition énergétique, la plus médiatisée face aux grands enjeux environnementaux, elle s’applique aujourd’hui à une multitude de domaines, transition agroécologique, transition nutritionnelle, transitions urbaines, etc., ouvrant sur de multiples projets de recherches et la multiplication d’instruments législatifs et outils institutionnels.
     
  • Après les débats autour du terme le plus adéquate et des échanges autour de « translation », « mutation », « métamorphose », le terme “transition” (= le trans-ire – le vers où, le vers quoi aller) a fait consensus. Il implique une bifurcation. Une transition souvent est entendue comme un processus linéaire et progressif, presque une simple translation : « Une rupture sans violence. Une mutation sans révolution. » (Péan, 2015).
     
  • La transition prend des dimensions très variées en fonction du lieu du globe considéré, si les pays scandinaves sont souvent cités comme percusseur dans de nombreux domaines (éolienne, véhicules électriques, gestion des déchets, exploitations minières,… d’autres pays apparaissent hors mouvement ou à la traine. Qu’en est-il des Amériques ? Peut-on parler d’Amériques en transition(s) ? Comment voit-on/vit-on la transition dans les Amériques ?
     
  • Un premier article proposé Cristina Zurbriggen et Laura Gioscia, de l’Instituto de Ciencia Política de la Facultad de Ciencias Sociales (Universidad de la República, Uruguay) aborde ainsi les « Ontologies politiques plurielles dans les processus de transition durable » et propose un retour sur le concept de transition et son inclusion dans les politiques, faire le parallèle entre intérêt scientifique et mise en œuvre institutionnelle…
     
  • Plus spécifiquement, la transition nutritionnelle par exemple anime largement l’activité institutionnelle française avec ces dernières années avec les Lois égalim, et les PAT plan agroalimentaire territoriaux, quid de l’Amérique latine ?
     
  • Carlos Andrés Gallegos-Riofrío de l’Institute for Agroecology, Plant and Soil Sciences / Gund Institute for the Environment (University of Vermont, Vermont, EEUU), William F. Waters (Emérito, Universidad San Francisco de Quito, Quito, Pichincha, Ecuador), Amaya Carrasco-Torronteguia Institute for Agroecology (Food Systems, Gund Institute for the Environment, University of Vermont, Vermont, EEUU) et Lora LIannotti de la Brown School (Washington University in St. Louis, St. Louis, Missouri, EEUU) proposent une “Rencontres inattendues dans la transition nutritionnelle : les agroécosystèmes andins de la Sierra centrale équatorienne”. Ils évoquent l’abandon par les sociétés indigènes andines des régimes alimentaires et pratiques agricoles traditionnelles conduisant à la prévalence du surpoids et de l’obésité. Toutefois, leurs travaux bases sur une approche qualitative montrent que le schéma n’est pas si linéaire et que certaines familles autochtones andines combinent les pratiques précolombiennes, coloniales et actuelles revisitant les régimes alimentaires traditionnels, témoignant d’une belle résilience.
     
  • Jairo Rivera de l’Universidad Andina Simón Bolívar (Ecuador) dans son article “ La transición alimentaria y nutricional de la infancia en Ecuador: un enfoque pluralista y pragmático” analyse la transition alimentaire infantile de son pays, croisant méthodologie quantitative et qualitative, montre la prévalence de la dénutrition qu’il met en parallèle avec une pratique limitée de la lactation maternelle qui se heurte à des barrières structurelles.
     
  • En amont des questions alimentaires, la question de la transition agricole est aussi un objet de préoccupation des chercheurs et ce, de longue date, comme en témoigne les travaux de Miguel Altieri dès les années 1980 sur l’agroécologie (1986), réédité et souvent épuisé. Amaya Carrasco Torrontegui, Renato Pardo, María Quispe, Maya Aspaza, Roly Cota, Gabriela Bucini, Nils McCune, Colin Anderson, Carlos Andrés Gallegos et Ernesto Mendéz (Gund Institut of Environment, de The University of Vermont) abordent l’Acción colectiva para la transición agroecológica en el altiplano Boliviano”. Dans ce texte, les auteurs, partant de l’hypothèse que la transition agroécologique s’appuie sur des actions collectives, développent un travail de terrain dans trois communautés afin de montrer l’importance des liens étroits entre politique, agroécologie et action collective.
     
  • En milieu urbain, Iskra Alejandra Rojo Negrete, enseignante chercheuse en Estudios Socioterritoriales de l’Universidad Autónoma Metropolitana unidad Cuajimalpa (México) évoque l’inclusion non voulu avec la périurbanisation et la place de la transition dans la ville de Mexico, et plus précisément d’une transition territoriale juste et appropriée à la réalité de le lieu. De fait les peuples autochtones du bassin versant de la Vallée de Mexico revendiquant leurs droits fondamentaux sur le territoire face aux droits de la ville, réclame « le droit de ne pas faire partie de la ville ». Ce travail réalisé à partir d’une méthode narrative (organisation logico-historique) originale relate la construction par l’Assemblée Autonome du Peuple de la Vallée du Bassin de Mexico et d’autres organisations associées à ces revendications d’une proposition de transition territoriale juste et appropriée à la réalité de le lieu.
     
  • Enfin, un dernier texte, proposé par Álvaro Sánchez Robles aborde la transition autour de l’exploitation des ressources et plus particulièrement de l’extractivisme : “Alternativas al modelo extractivista, el territorio en re-existencia del Chocó Andino”. Dans cet article, il aborde le modèle extractivisme prédominant tant en Equateur, que dans le reste de l’Amérique latine, modèle soutenu par l’état dans un contexte de pression sur les matières première. Il présente un contre-modèle, celui du Chocó Andino, qui a su réinventé un modèle interdisant l’exploitation minière des métaux suite à une consultation populaire en résistance. Il développe le concept de “re-existencia” fondé sur le “Buen Vivir” comme modèle alternatif à l’extractivisme traditionnel.

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