Aires protégées et biodiversité : quelle complémentarité entre différentes stratégies de protection de la nature ?

Publié le 3 mai 2021 Mis à jour le 13 octobre 2021

Les aires protégées sont au cœur des politiques de protection de la nature dans le monde. Parcs nationaux, réserves, sanctuaires, parcs naturels, etc. recouvrent près de 13,5 % de la surface terrestre mondiale et de nombreux efforts sont encore attendus pour atteindre l’objectif de 17 % fixé par la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Néanmoins, loin d’être homogène, ce réseau d’aires protégées repose sur des stratégies variées allant d’une protection stricte des écosystèmes excluant les activités humaines, à la promotion d’un développement durable où humains et biodiversité sont invités à coexister.

Dans une étude parue dans la revue Biological Conservation, des chercheurs du CNRS, de l’IRD et du German Centre for Integrative Biodiversity Research (iDiv), dont des scientifiques issus du laboratoire Géographie de l'Environnement (GEODE – CNRS / Univ. Toulouse Jean Jaurès) et du laboratoire Botanique et modélisation de l'architecture des plantes et des végétations (AMAP – CNRS / IRD / INRAE / CIRAD / Univ. Montpellier), montrent l’importance de considérer la complémentarité de ces différentes stratégies pour la conservation de la nature à l’échelle mondiale. En particulier, leur étude révèle que les aires protégées reposant sur des logiques d’intégration et de tolérance vis à vis des activités humaines sont des territoires clé pour enrayer la perte de biodiversité.

Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses études scientifiques se sont attachées à évaluer le réseau d’aires protégées mondial. Mais le monde n’est pas binaire, protégé ou non. Au contraire, les catégories de gestion récemment proposées par l’IUCN permettent de montrer toute la diversité des politiques de conservation menées dans ces espaces géographiquement délimités et communément appelés « aires protégées ». Cette étude a donc pour objectif d’évaluer la diversité et la complémentarité des stratégies de gestion des aires protégées à l’échelle mondiale en lien avec les enjeux de biodiversité.
Mobilisant une base de données de près de 175000 aires protégées, les auteurs, dont des scientifiques issus du laboratoire Géographie de l'Environnement (GEODE – CNRS / Univ. Toulouse Jean Jaurès) et du laboratoire Botanique et modélisation de l'architecture des plantes et des végétations (AMAP – CNRS / IRD / INRAE / CIRAD / Univ. Montpellier), révèlent que si 41 % des aires protégées terrestres reposent sur un contrôle strict des activités humaines, 13 % ciblent des espèces ou des habitats particuliers souvent en lien avec une gestion proactive de l’environnement et 25 % promeuvent l’utilisation durable des ressources naturelles.

Fig. 1. Proportion de chaque écorégion couverte par différentes catégories IUCN de gestion des aires protégées (catégories I-III : Préservation de milieu naturel remarquable au travers d’un contrôle strict des activités humaines ; catégorie IV : préservation de
fragments d’habitats ou de populations d’espèces souvent en lien avec des activités humaines ; catégories V-VI : promotion d’un développement durable et de la coexistence entre activités humaines et conservation de la nature). Le seuil le plus élevé de 17 % a été choisi en référence à l’objectif d’Aichi n°11 (CDB, 2011).


En croisant ces données avec la répartition spatiale de plus de 6 500 amphibiens, 5 000 mammifères et 10 000 oiseaux, les chercheurs montrent par ailleurs que les aires protégées associées à une gestion plus tolérante des activités humaines ont un potentiel de préservation de la diversité écologique aussi important que les aires de conservation dites strictes.
A l’heure où la Convention sur la Diversité Biologique redéfinit ses objectifs pour les années à venir, cette étude publiée dans la revue Biological Conservation rappelle l’importance de mieux prendre en compte la diversité des stratégies de conservation de la biodiversité et les relations homme/nature sur lesquelles elles reposent.

Exemple d’aires protégées parmi les plus importantes du monde en termes de biodiversité selon cette étude : A- Parc national de Kahuzi-Biega en République Démocratique du Congo (Catégorie IUCN II) ; B- Réserve naturelle d’Hula en Israël Exemple d’aires protégées parmi les plus importantes du monde en termes de biodiversité selon cette étude : A- Parc national de Kahuzi-Biega en République Démocratique du Congo (Catégorie IUCN II) ; B- Réserve naturelle d’Hula en Israël (Catégorie IUCN IV) ; C- Los Tuxtlas (Zona de Amortiguamiento) au Mexique (Catégorie IUCN VI). Crédits : Forest Service/USDA (public domain), Google Earth, Semarnat.

Références
Vimal, R., Navarro, L.M., Jones, Y., Wolf, F., Le Moguédec, G., Réjou-Méchain, M., 2021. The global distribution of protected areas management strategies and their complementarity for biodiversity conservation. Biol. Conserv. 256, 109014. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2021.109014